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La réforme des cahiers des clauses administratives générales

Dernière mise à jour : 5 mai 2021

Thème : commande publique


Par Alice Kremer & Sylvain Le Gall


La codification des directives européennes relatives aux marchés publics de 2014 et l’entrée en vigueur du code de la commande publique le 1er avril 2019 ont rendu nécessaire une réforme des CCAG. Les anciens CCAG étaient issus d’une série d’arrêtés pris en 2009. Le 1er avril 2021, les arrêtés ministériels approuvant les six nouveaux CCAG ont été publiés au Journal officiel.


La commande publique pesant pour 10% du PIB, voire 70% dans le cadre des travaux publics, les CCAG représentent un instrument majeur de politique publique, notamment d’intégration des problématiques environnementales dans la matière et de relance de l’économie.

Qu’est-ce qu’un CCAG ?


Les Cahiers des Clauses Administratives Générales (CCAG) constituent des textes types généraux approuvés par arrêté qui fixent les conditions d'exécution de nature administrative applicables à une catégorie de marchés publics. Ils viennent compléter les documents particuliers et notamment le CCAP (Cahier des Clauses Administratives Particulières). Ces textes sont utilisés uniquement s’agissant des marchés publics, ce qui exclut les concessions.


Le Code de la commande publique vise les CCAG à l’article R. 2112-2 qui dispose :

« Les clauses du marché peuvent être déterminées par référence à des documents généraux tels que :

1° Les cahiers des clauses administratives générales, qui fixent les stipulations de nature administrative applicables à une catégorie de marchés ;

2° Les cahiers des clauses techniques générales, qui fixent les stipulations de nature technique applicables à toutes les prestations d'une même nature.

Les cahiers des clauses administratives générales et les cahiers des clauses techniques générales sont approuvés par arrêté du ministre chargé de l'économie et des ministres intéressés. »


L’article R. 2112-3 du CCP précise ensuite :

« Lorsque le marché fait référence à des documents généraux, il comporte, le cas échéant, l'indication des articles de ces documents auxquels il déroge. »


Ils déterminent les droits et obligations des cocontractants sur toute la vie du contrat : délais d’exécution, sous-traitance, garanties et assurances, prix et paiement, prestations supplémentaires, pénalités, admission et réception, résiliation, ajournement et règlement des différends, etc.


Les CCAG sont au nombre de six, avec l’ajout d’un nouveau CCAG de maîtrise d’œuvre :

  • CCAG-Travaux ;

  • CCAG-Fournitures courantes et services (FCS) ;

  • CCAG-Marchés industriels (MI) ;

  • CCAG-Techniques de l’information et de la communication (TIC) ;

  • CCAG-Prestations intellectuelles (PI) ;

  • CCAG-Maîtrise d’œuvre (MOE), depuis le 1er avril 2021.


Quelles sont les conditions d’application d’un CCAG ?


L'application des CCAG est facultative et dépend de la volonté des parties à un type de marché d’en faire expressément usage ou non. Aussi, ils s’appliquent seulement aux marchés qui s’y réfèrent. Ils sont pourtant très largement utilisés par les acheteurs publics, particulièrement en raison de leur exhaustivité.


Par principe, l'acheteur ne choisit qu’un seul CCAG. Mais une exception a été introduite par la réforme en permettant aux marchés globaux au sens de l’article 2171-1 du CCP de se référer à plusieurs CCAG. Dans l’hypothèse où certaines prestations doivent être régies par des stipulations figurant dans un autre CCAG que celui désigné dans le marché, ce dernier doit reproduire, dans le cahier des clauses administratives particulières, les stipulations retenues, sans référence au CCAG dont elles émanent.


Quelles sont les modalités d’entrée en vigueur des nouveaux CCAG ?


Les six nouveaux CCAG sont entrés en vigueur le 1er avril 2021. Les CCAG de 2009 pourront être utilisés par les acheteurs jusqu’au 30 septembre 2021. Ainsi durant cette période, en l’absence de référence précise dans les documents particuliers du marché sur la version à laquelle il est fait référence, la version de 2009 s’appliquera par défaut. S’agissant des contrats conclus avant l’entrée en vigueur de ces nouveaux CCAG, la réforme est sans conséquence. Les anciens CCAG continuent à s’appliquer jusqu’au terme desdits contrats, conformément à la volonté des parties.


Quelles sont les principales évolutions à retenir de cette réforme ?


La création d’un sixième CCAG : le CCAG Maîtrise d'œuvre


Un trait majeur de la réforme est la création d’un nouveau CCAG : le CCAG Maîtrise d’œuvre. Auparavant, les marchés de maîtrise d'œuvre faisaient référence au CCAG-PI. Or, la concertation a permis de constater des différences notables entre les prestations intellectuelles et la maîtrise d'œuvre, obligeant les acheteurs à y déroger de façon massive sur divers points.


Ce nouveau CCAG conserve le modèle du CCAG-PI tout en s’adaptant aux spécificités de la maîtrise d'œuvre. Une articulation des clauses du CCAG-MOE et des clauses relatives aux tâches dévolues au maître d'œuvre dans le cadre de l’exécution des marchés de travaux du CCAG-Travaux a été trouvée. Le CCAG-MOE prend notamment mieux en compte les questions relatives à la co-traitance et sous-traitance et aux prix révisables du fait de la longue durée des marchés de maîtrise d'œuvre. Il autorise également la prolongation des délais adaptés aux missions et responsabilités du maître d'œuvre et la mise en place de primes de performance financière par l’acheteur.


La création d’un système d’options pour la fixation du montant de l’avance


Les nouveaux CCAG permettent aux acheteurs publics de soutenir les opérateurs économiques en intégrant un système d’option pour la fixation d’avances. Il convient de rappeler que l'acheteur public doit accorder une avance au titulaire, lorsque le montant initial du marché est supérieur à 50 000 € HT et dans la mesure où le délai d'exécution est supérieur à 2 mois (article R. 2191-3 du CCP). L'acheteur peut ainsi choisir entre deux options :

- L'option A prévoit un taux d'avance d'au minimum 20 % pour les PME et de 5 % pour les autres entreprises ;

- L'option B prévoit l'application des taux minimaux prévus par le Code de la commande publique ou d'un taux supérieur fixé par le marché.


L'option A est une obligation pour l'État en application des règles fixées par le Code de la commande publique (article R. 2191-7 du CCP). Au contraire, pour les autres acheteurs publics le choix dépendra de la stratégie adoptée. L’attractivité des marchés publics pour les TPE-PME est donc renforcée.


Le plafonnement des pénalités de retard à 10% du montant du marché


La réforme a introduit le plafonnement des pénalités de retard, en sus du contrôle du juge administratif sur le montant de ces pénalités. Les nouveaux CCAG disposent désormais que le montant total des pénalités de retard appliquées au titulaire ne peut excéder 10 % du montant total hors taxes du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Le titulaire peut désormais bénéficier d’une procédure contradictoire afin de discuter des retards invoqués et de leur imputabilité, dans un délai qui ne peut être inférieur à 15 jours. Il peut être exonéré du paiement des pénalités de retard si leur montant total est inférieur ou égal à 1 000 € : le seuil a été harmonisé dans tous les CCAG.


L’insertion d’une clause de suspension et d’une clause de réexamen en cas de circonstances exceptionnelles


Les nouveaux CCAG ont tiré les enseignements de la crise sanitaire. Ils mettent l'accent sur l'anticipation ainsi que le traitement des conséquences résultant de circonstances imprévisibles. Les instruments dont disposent les acheteurs publics et les entreprises ont donc été renforcés :


- Désormais, les CCAG permettent, « lorsque la poursuite de l'exécution du marché est rendue temporairement impossible du fait d'une circonstance que des parties diligentes ne pouvaient prévoir dans sa nature ou dans son ampleur ou du fait de l'édiction par une autorité publique de mesures venant restreindre, interdire, ou modifier de manière importante l'exercice de certaines activités en raison d'une telle circonstance », la suspension de tout ou partie des travaux ou des prestations, prononcée par le maître d’ouvrage à la demande du maître d’œuvre.


- De la même manière, les CCAG comportent dorénavant une clause de réexamen du marché qui dispose : « En cas de circonstance que des parties diligentes ne pouvaient prévoir dans sa nature ou dans son ampleur et modifiant de manière significative les conditions d'exécution du marché, les parties examinent de bonne foi les conséquences, notamment financières, de cette circonstance. Le cas échéant, les parties conviennent, par avenant, des modalités de prise en charge, totale ou partielle, des surcoûts directement induits par cette circonstance sur la base de justificatifs fournis par le titulaire. ».


L’insertion d’une clause de développement durable


Alors que le développement durable s’impose progressivement dans la commande publique, la réforme a pris en compte cette tendance en intégrant des clauses environnementales et sociales. Ces clauses s’accompagnent de pénalités afin d’assurer leur effectivité en cas de manquement du titulaire à ses obligations.


S’agissant de la clause d’insertion sociale, les CCAG, qui renvoient aux documents particuliers du marché, comportent des dispositions tendant à inciter et à faciliter l’accès ou le retour à l’emploi de personnes rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles.


S’agissant de la clause environnementale générale, le titulaire doit notamment s’assurer du respect par ses sous-traitants des obligations environnementales fixées par les documents particuliers du marché. Il s’agit principalement d’obligations en matière de transport, d’emballage et de gestion des déchets mais encore des obligations de réduction de la pollution de l’air ou des gaz à effet de serre.


La généralisation de la clause de propriété intellectuelle (hors CCAG-MOE)


Il existe désormais, dans tous les CCAG à l’exception du CCAG-MOE qui comprend une clause ad hoc, une seule et même clause de propriété intellectuelle. Cette généralisation de la clause de propriété intellectuelle tient compte du fait que des prestations accessoires couvertes par des droits de propriété intellectuelle peuvent être réalisées dans tous les marchés. Les relations contractuelles en matière de droits de propriété intellectuelle sont ainsi sécurisées, notamment dans l’hypothèse d’une omission dans les documents particuliers. En pratique, il peut s’agir d’un logo, d’un logiciel, de bases de données ou encore d’un support de formation (CCAG-Travaux, art. 45).


De nouvelles interrogations à venir ?


Selon des professionnels, les premières discussions relatives au CCAG-MOE ont été décevantes au regard des évolutions qui voulaient y être apportées, faisant perdre tout intérêt à la création, toute relative, de ce nouveau CCAG. Il semble qu’après la publication de ce CCAG, des doutes et questionnements persistent (« CCAG – Entretien avec C. Roux réalisé par H. Hoepffner », Contrats et marchés publics n° 5, mai 2021).


Par exemple, le CCAG-MOE prévoit, lorsque le maître d’œuvre signale qu’un ordre de service présente un risque en termes de sécurité et de santé ou de non-respect d’une disposition législative ou réglementaire, que le délai d’exécution de cet ordre de service soit suspendu jusqu’à la notification d’une réponse du maître d’ouvrage. A défaut de réponse de ce dernier dans un délai de 15 jours, le maître d'œuvre n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service. Faut-il alors comprendre que le maître d'œuvre devra exécuter l’ordre de service dans l'hypothèse d’une simple réponse du maître d’ouvrage pourtant insatisfaisante ? On pourrait s’inquiéter de voir un chantier se bloquer à cause de ce mécanisme.


Ces interrogations ne se concentrent pas uniquement sur les CCAG-MOE, elles concernent également d’autres stipulations, applicables à chacun des CCAG. Ainsi, s’agissant de la suspension des travaux dans certaines circonstances imprévisibles, deux observations sont soulevées :

- aucun mécanisme contractuel n’est prévu lorsque le maître d’ouvrage refuse de répondre favorablement à la demande du maître d’œuvre de suspendre ses prestations;

- il demeure impossible de saisir la juridiction administrative de cette question : le juge du contrat n’a pas le pouvoir d’annuler les mesures prises par l’administration.

(J. Coronat, « CCAG-Maîtrise d’œuvre 2021 : une véritable nouveauté ? », Contrats et marchés publics n° 5, préc.).


Enfin, des incohérences entre les CCAG Travaux et Maîtrise d'œuvre n’ont pas échappé à certains auteurs qui soulignent une « absence de coordination contractuelle et réglementaire des différents participants en cours d’exécution ». (C. David & W. Salamand, « CCAG Travaux, CCAG Maîtrise d’œuvre et Code de la commande publique : le puzzle imparfait », Revue contrats publics, n° 219, avril 2021).


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